Portait de Thibaud Pombet

1. Pouvez-vous vous présenter aux membres du réseau (thématiques de recherches, statut, lieux d’exercice…) ?

Je suis maître de conférences en sociologie et en sciences de l’éducation, spécialisé sur l’accompagnement des publics jeunes à l’interface des dispositifs sanitaires, sociaux et scolaires. Mon activité principale d’enseignant-chercheur s’inscrit au sein de la Faculté d’Éducation et de Formation de l’Institut Catholique de Paris, où je dirige une Licence de sciences de l’éducation. Je suis par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Anthropologie & Santé.

2. Sur quoi avez-vous principalement travaillé ? Quels sont vos chantiers de recherche actuels ?

Mes premières recherches, en master d’anthropologie puis en doctorat de sociologie à l’EHESS, m’ont conduit à interroger les prises en charge hospitalières des jeunes malades en France. Plus particulièrement dans le cadre de ma thèse, j’ai tenté de retracer les conditions médicales et socio-politiques conduisant à la création en France au début des années 2010 de dispositifs dédiés aux adolescents et jeunes adultes (15 à 25 ans) et atteints de cancer. Pour quelles raisons regrouper des malades de 15 à 25 ans ? Quelles sont les spécificités de cette nouvelle forme de prise en charge et quels sont ses effets sur l’expérience des malades, leurs trajectoires de vie et leurs relations amicales ou familiales ? Dans un ouvrage issu de cette thèse et publié en 2021, je montre ainsi combien l’organisation des soins, clivée entre médecine pédiatrique d’un côté, et médecine d’adultes de l’autre, façonne les représentations et les pratiques des professionnels de santé, et rend difficile de tenir la promesse faite par ces nouvelles unités : s’adapter à la spécificité des jeunes patients pour tenir compte de leurs projets professionnels et scolaires, de leur parole et leur désir.

En 2020, j’ai commencé une nouvelle enquête dans le cadre d’une recherche post-doctorale sur le travail partenarial dans le champ de la santé et de la santé mentale. J’ai pour cela rejoint une équipe de sociologue composée d’Aude Béliard, Jean-Sébastien Eideliman, Isabelle Maillard et Livia Velpry autour du projet Parpsyched, porté par la pédopsychiatre Sandrine Bonneton, et destiné à impulser et suivre des partenariats entre des professionnels des écoles et de Centres médico-psychologiques. Entre la crise du covid, et les crises plus profondes et « stables » que traversent les institutions scolaires et hospitalières, cette recherche toujours en cours est riche d’enseignement sur les difficultés générées par les cloisonnements institutionnels concernant l’accompagnement des enfants en difficulté et leurs familles.

Enfin, avec les socio-historiennes Séverine Parayre et Fabienne Serina-Karsky, nous venons de constituer au sein de l’unité de recherche de l’ICP une équipe pluridisciplinaire visant à interroger les différentes qualifications des « difficultés » rencontrées par les jeunes au sein de plusieurs institutions éducatives. Il s’agit d’un projet sur trois ans, qui permettra d’engager une réflexion sur la façon dont les logiques institutionnelles de repérages et d’étiquetage contribuent à façonner et à modifier les catégories et les solutions mobilisées par les professionnels de l’éducation.

3. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre le bureau du RT 19 en 2021, et quels sont vos projets pour le réseau ?

Ces dernières années, les activités du RT19 m’ont été d’une aide précieuse et m’ont grandement inspiré pour développer certains pans de mes recherches. Je souhaiterais à présent rendre un peu de ce que l’association m’a donné, pour faire connaître les recherches existantes en sociologie de la santé, en permettant notamment à de jeunes chercheur·es et/ou doctorant·es de visibiliser leurs travaux. Deux lignes d’intérêts guident également mon activité au sein du RT : renforcer les liens entre le domaine de la santé et celui de l’éducation, notamment à travers l’objet de l’ « éducation inclusive » ; et également proposer une nouvelle rubrique de ressources pédagogiques pour partager des préparations de cours, des syllabus ou des références en sociologie de la santé.

4. Une lecture favorite ou un film à recommander aux lecteurs du carnet et aux amateurs de sociologie de la santé ?

Sur mes objets, à l’articulation de la santé, de l’éducation et du politique, je pense à un ouvrage aujourd’hui important de Stanislas Morel, « La médicalisation de l’échec scolaire ». Dans ce livre paru en 2014 et tiré de sa thèse, ce sociologue décrit avec finesse les contours du processus de médicalisation à l’œuvre dans les politiques éducatives et autour de l’institution scolaire. L’une des grandes qualités du livre est d’interroger les cadres sociaux d’interprétation des difficultés rencontrées par les enfants et leurs familles, et notamment de mettre en regard les paradigmes sociologiques et psychologiques.